Allons z'enfants...

Publié le par Association Médiane

 
Si, au sein de Médiane, nos préoccupations s'orientent vers le premier âge de la vie, c'est d'abord parce qu'il détermine le devenir de l'être, mais aussi parce qu'il place l'enfant en première ligne, fragile, face à nos comportements d'adultes.

Le domaine de l'éducation -comme celui de la santé dans lequel nous oeuvrons- est par excellence celui de l'humain, du vivant. Sans recette ni science infuse, il est propoce à la richesse de l'expérimentation et de l'ouverture. Eduquer c'est aussi accepter que l'enfant, du "haut" de son innocence, nous renvoie à notre propre enfance et devienne un "révélateur" de nos limites et de ce que nous sommes, comme le liquide translucide d'où émerge l'image qui était inscrite, invisible, dans l'émulion chimique du papier photo. Ces discrètes connivences amènent le maître, en deça de son autorité, à ne pas oublier son passé de disciple et d'élève, pas plus que la mère et le père bienveillants n'ignorent la trace vivace de la fille et du fils qu'ils ont d'abord été. Accepter l'enfance lovée au plus intime de soi, empreinte nostalgique ou mémoire vive qui éveillent au coeur du coeur pour entretenir une complicité sous-jacente (latente ?) intuitive entre l'enfant et l'éducateur, devenu le patient jardinier respectueux du cycle des saisons de l'âge tendre. En retour, il nous importe de résilier nos propres blessures narcissiques et autres traumatismes affectifs, que le versant douloureux de notre éducation ne soit plus un obstacle, un handicap, pour développer une relation saine et sereine à l'enfance.
L'éducation nous interpelle dans la mise à jour de certaines évidences : Pourquoi l'école laisse-t-elle si peu de place à l'éveil de l'univers si riche, ouvert, si sensible et neuf de l'enfance ? Pourquoi cet âge de tant de possibles n'est-il pas vécu à part entière ? L'innocence et l'insoucience dérangent-elles tant l'adulte pour qu'il ne concoive que e s'imposer en modèle omniscient ? C'est peut-êtreparce qu'il est difficile d'envisager, dans un monde manichéen où règne la culpabilité, que l'enfant ne soit ni bon, ni mauvais, mais qu'il SOIT, d'abord et avant tout. Si l'école est le premier lieu d'apprentissage du vivre ensemble et de convivialité sociale, pourquoi ne pas préserver l'enfant du culte de l'égo, du vainqueur méritant ; pourquoi présenter d'emblée la vie comme une confrontation permanente entre individus et contre soi-même, linée par l'angoisse de l'échec et la crainte de la sanction ? Que répondre à l'enfant qui nous interroge, inquiet : pourquoi tant de perdants pour un seul gagnant ? Dans la découverte indispensable de la beauté, en quoi le chant d'un hymne guerrier et sanguinaire concerne-t-il l'enfant ? Qu'y a-t-il de réellement fédérateur aux yeux de l'élève dans les couleurs du drapeau, symbole d'une abstraction : la patrie et ses commémorations malsaines chargées d'hécatombes et de massacres ? Est-il possible d'aborder sereinement le rôle de la mixité sans dépasser les logiques viriles (la loi du plus fort, la loi du Talion) et les valeurs perverses du mâle dominant qui aujourd'hui, un eu partout, reprend du poil de la bête, plus imbu que jamais de pouvoirs ? Peut-on continuer à banaliser par l'indifférence ou le fatalisme l'image d'un monde "hasardeux" où la violence sous toutes ses formes devient le premier danger pour préserver l'irremplaçable confiance entre l'adulte et l'enfant ? Dans ce contexte où nous savons déjà que nous laisserons une situation plus dégrédée sur toute l'échelle du vivant que celle dont nous avons héritée, ce mépris pour l'avenir de nos enfants autant que pour le lègue de nos anciens est la première des violences. L'inconséquence de nos égoïsmes et du repli sur soi nous évitent, qui plus est, de prendre la réelle mesure des dégâts commis par nos comportements. Cette indescence vis-à-vis de la nature à laquelle nous sommes intimement liés, le saccage de cette source d'apprentissage et d'émerveillement généreuse, offerte, gratuite, révèlent l'état de nos consciences.
Proposer aux enfants la possibilité d'un monde accueillant relève du minimum vital ; pouvons-nous exioster en humanité sans assumer la plus élémentaire de nos responsabilités, sans complaisance, ni bonne, ni mauvaise conscience : enseigner l'altruisme lié à l'estime de soi pour vivre dans le respect de l'autre et du vivant, mis en lumière par notre capacité d'aimer ?...

Pierre

Publié dans Tribunes libres

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article